2012-03-11

Raconte-moi Severn!

Il était une fois, SEVERN CULLIS-SUZUKI, douze ans. Elle a créé, avec trois amies, un organisme nommé E.C.O. (Organisation des enfants à la défense de l’environnement). Trouvons-la en 1991. Après avoir amassé tout l’argent nécessaire, elle se rend à Rio pour parler devant les intervenants d’un sommet spécial des Nations Unies sur l’environnement. Elle aura droit à sept minutes. Durant tout ce temps, elle assène une véritable giffle à la figure des dirigeants du monde.

Elle est là, dit-elle, parce qu’elle se bat pour son futur. « C’est beaucoup plus dur et plus important que des élections ou des points à la bourse. » Partout dans le monde, des enfants ont faim, sont sans abri ou au cœur d’une guerre. Elle avoue sa peur du soleil à cause de la couche d’ozone, de l’air polué ou de l’eau où elle pêchait avec son père avant qu’ils y trouvent des poissons cancéreux.

Elle lance en pleine face des puissances mondiales le fait qu’ils parlent des problèmes comme s’ils connaissaient les solutions ou qu’il y avait encore beaucoup de temps devant eux. « Sommes-nous, les enfants, au moins dans vos priorités, les interpellera-t-elle? Vous êtes pères, mères, frères, sœurs, oncles, tantes avant d’être des dirigeants, des politiciens, des hommes d’affaires. »

Si un enfant de douze ans comme elle comprend qu’un seul monde est une même famille qui doit avoir un même objectif, qu’attendent les décideurs, se demande-t-elle? Comment ne voient-ils pas que tout l’argent dépensé dans les guerres pourraient nourrir, vêtir, loger, éduquer l’ensemble des enfants et des humains de la terre. Elle leur fait la démonstration que si dans les écoles, tout ce beau monde, tient à ce que les enfants apprennent le partage, l’entraide, le respect… aucun d’eux ne fait ce qu’il dit.

Aujourd’hui, cet enfant —fille du généticien canadien David Suzuki — est devenue grande et est diplomée en écologie et en biologie évolutive de l’université de Tale. Elle se pose sûrement la même question que vous et moi; à savoir si quelque chose à changer vingt ans plus tard. Mais, à l’époque, elle finira son discours en interpellant les adultes que nous sommes en disant : « Ce que vous faites me fait pleurer la nuit! Que vos gestes reflètent vos paroles. » Qu’attendons-nous?

(Chronique publiée dans la revue Notre-Dame-du-Cap de janvier 2012)

Lettre à Huguette

Ma chère Huguette,

Je t’écris aujourd’hui pour te dire toute mon admiration pour ton courage. Je vois bien que ta situation est difficile. Combien de fois dans un semaine, un mois, une année te sens-tu abandonnée de tous au point de vouloir tout arrêter? Après tout, être aidant naturel, dans notre société, n’est peut-être pas si naturel que cela!

Je t’entends déjà me répliquer : « Que c’est tout naturel, justement, de prendre soin de ta mère ». C’est le retour du balancier. Elle qui t’a tellement aidée. N’empêche, ce n’est pas simple pour autant. Que d’heures passées à la nourrir comme un enfant, la laver, l’habiller, la soigner… sans compter ton emploi que tu asquitté. Quels sont tes revenus pour vivre? Comme le disait Jean-Philippe, ce n’est aidant naturel que l’on devrait dire mais « soignant non-rémunéré ».

J’imagine que cela te réjouit de voir les Chloé Sainte-Marie de ce monde se lever pour demander au gouvernement d’agir pour soutenir les aidants naturels. Des portes s’ouvrent lentement. Une lueur d’espoir, pour toi et tant d‘autres.

Cependant, tout comme toi, j’ai été grandement surpris par ce que tu m’as racontée récemment. C'est tellement fantastique! Une religieuse âgée, autrefois hospitalière, est venue d’offrir son aide une fois par mois. Elle te propose de prendre soin de ta mère gratuitement, toute une journée par mois afin que tu aies un congé. Je comprends, en effet, que cela t’aie enlevé une charge sur les épaules. Tu te sais, maintenant, soutenue et accompagnée. Quelqu’un marche avec toi.

De mon côté, cela m’a beaucoup fait réfléchir vis-à-vis de mon Église. L’Église, au Québec, est née et a grandi en étant présente là où personne ne se faisait présent. Il y a l’éducation, les soins de santé, les pauvres, les orphelinas. Bon, d’accord, des erreurs et des abus ont été causés. On ne peut pas en être fier. Mais je suis sûr, que pour chaque prêtre, religieux ou religieuse qui ont abusé de leur autorité, des dizaines ont été réellement dévoués aux personnes. Comme cette religieuse qui a frappé à ta porte un matin.

Je rêve à ce jour, où les communautés religieuses et les communautés chrétiennes, religieux et laïcs, se lèveront pour voir tous les besoins que nos contemporains ont sans que personne ne marche avec eux. Je rêve à ce jour, où l’Église délaissera ses bâtiments pour marcher avec ceux qui souffrent. Bien sûr, des chrétiens sont déjà engagés sur cette voie. Mais, j’en vois encore trop qui pleurent sur le passé, sur leur église en ruine ou à vendre, sur les jeunes absents, sur la foi abandonnée. Je rêve à ce jour où les chrétiens que nous sommes, tous ensemble, donneront un témoignage, peut-être discret, mais pleine d’amour, d’espérance et de joie pour le monde. À la manière de Jésus, je rêve d’un peuple en marche parmi ceux qui souffrent de nos frères et sœurs.

Je pense à toi Huguette.

(Chronique poru la revue Notre-Dame-du-Cap Janvier 2012)