2010-06-04

On ne voit les étoiles que la nuit


Organisez une fête qui dure toute la nuit : les jeunes y seront! Planifiez une tournée des bars : les jeunes afflueront! Préparez une expédition nocturne, ils répondront à l’appel! Invitez-les à « La nuit de la pauvreté » : ils répondront oui à l’invitation, une fois de plus ! [...]

Effectivement, la nuit représente pour les jeunes un espace de liberté. Aucune contrainte de temps, aux yeux de certains. Espace d’accueil sans préjugé ─ où plusieurs tabous tombent ─ pour d’autres. C’est l’occasion la plus facile pour bien des jeunes de créer des rapprochements sans parole, sans complexité. Après tout, la nuit cache bien des défauts. Dans cette obscurité où le temps semble s’arrêter, les soucis de la veille paraissent s’effacer quelques instants. Ceux du lendemain peuvent attendre…
DES FANTÔMES ET DES RÊVES
Toutefois, quand rien n’est prévu pour la soirée, la noirceur qui tombe devient (particulièrement pour plusieurs adolescents et jeunes adultes) un temps d’angoisse, de désespoir, de solitude. « La nuit est le théâtre de nos émotions », me confiait Valérie. Que ce soit par les images des rêves qui nous reviennent dans notre sommeil, par les grandes émotions des rassemblements arrosés ou par une marche paisible, la nuit fait ressurgir les vieux fantômes, émotions ou événements non intégrés, c’est un fait. 
Entre le festif et l’intimité surprenante des fêtes, et le supplice d’une nuit à occuper, la détresse, malheureusement trop souvent, se faufile. Le suicide apparaît même pour certains la seule issue à ces ténèbres intérieures. Paradoxalement, c’est souvent la très grande soif de vivre qui pousse certains jeunes au suicide. Leur réalité paraît si terne face aux rêves brisés. Rêves d’un devenir professionnel, d’une relation amoureuse, d’une famille, d’une amitié. Rêves d’une société plus humaine, accueillante, compréhensive et pacifique. Rêves d’un idéal où la vie ne risque pas d’imploser à tout moment.
Comme le disait Jean-Marc Chaput : « Nous semblons avoir assez facilement réussi à créer les moyens nécessaires pour faire éclater physiquement la planète. Mais spirituellement, nous n’avons pas encore trouvé le moyen de remettre en place les parties de ce monde éclaté. » Nous? Peut-être pas! Mais, heureusement…

[...]

Aujourd’hui, au cœur des obscurités planétaires, qu’en est-il? Combien d’hommes et de femmes, jeunes et moins jeunes, croyants ou athées, empruntent ce chemin d’humanité. Nul besoin de croire en Dieu pour croire en l’homme. Nul besoin de croire en Dieu si nous ne croyons pas en l’homme. Au-delà de toutes nos différences d’être, de foi et d’agir, beaucoup croient en l’humain. Pas de façon idéaliste. Mais sans être pessimistes, non plus! Leur cœur brûle. Ils ont le goût de faire jaillir pour d’autres ces étincelles de vie. Ils partagent ensemble la découverte si paradoxale que… ça prend la nuit pour voir les étoiles!

Quel est ce chemin [...] apparemment si simple à vivre? Un parcours exigeant! Même pour les plus motivés des marcheurs. Car sur cette route dans les ténèbres, se dressent plein d’obstacles. Lesquels? Particulièrement ces blocages de communication qui rendent, s’ils ne sont pas repérés et évités, la nuit encore plus opaque. Vrai pour trop d’institutions, éducateurs ou proches. Cela donne, alors, à ceux que nous prétendons accompagner, le goût de décamper.

Les meilleures intentions peuvent tout briser en remplaçant l’accueil inconditionnel véritable par cette attitude méprisante qui cherche à loger des réponses toutes faites; ou encore à jouer la gamme de tactiques évidemment inefficaces: menaces, investigation, moralisation ou, à l’opposé, approbation exagérée, distraction pour éviter le sujet... Si, au contraire, nous osions croire que tout pourrait changer si nous acceptions, sans préjugés, mais avec empathie et respect, de faire simplement un bout de chemin avec l’autre!

Surprise! Voilà que des jeunes passent alors des nuits fauves aux nuits magiques peuplées d’étoiles! Le doute, les questions et la peur ne disparaissent pas pour autant.  Mais quelque chose bascule du côté de la joie qui demeure: la même nouvelle génération ─  hier si friande de nuits torrides agitées ─ s’ouvre peu à peu à des [...] nuits blanches de solidarité, avec espace bénévolat pour en aider d’autres à traverser leurs obscurités.

Qui sait, un jour, ou peut-être une nuit, deviendront-ils nos compagnons de route?

* Extraits de mon article dans le magazine Vie Intérieure


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